Chez soi

Voilà, nous y sommes. Plus d'école depuis vendredi soir - quelques "yess" de joie avaient fusé à l'annonce présidentielle, alors que se matérialisait l'un de mes cauchemars : faire travailler trois enfants de niveaux différents en même temps, enfin surtout leur faire l'école à la maison. 

Les contours du confinement n'étaient alors pas encore très bien définis : fallait-il juste diminuer ses déplacements, arrêter les réunions familiales (nos parents n'ayant pas encore atteint les 70 ans fatidiques) ? 

Je me rappelle très bien avoir parlé du coronavirus pour la première fois lors du dîner d'anniversaire de Nimbus, fin février : "il faut bien se laver les mains, à cause du coronavirus, vous vous êtes lavés les mains avant de passer à table ?" Colombine avait demandé si elle pouvait l'attraper, à moitié en larmes et morte de peur, j'avais dit que non, pas les enfants (Dieu merci, pas les enfants), en revanche, les adultes, c'était possible.

La larme qui s'était arrêtée sur la joue ronde a repris sa descente : mais alors, vous, les parents, vous pouvez être malades ? Nous, non, on est pas assez vieux, ai-je répondu beaucoup trop vite (mais c'était aussi ce que l'on disait, il y a trois semaines). 

Les choses se sont drôlement accélérées cette semaine, avec l'envoi quotidien de mails de la DRH, demandant aux personnes fragiles de se signaler - c'est mon cas. Il a fallu vérifier le débit de sa connexion pour éventuellement télétravailler, mais aucun ordinateur n'est prêt pour moi. Et puis jeudi, avec une migraine d'anthologie, cette annonce présidentielle : toutes les écoles fermées jusqu'à nouvel ordre. Donc un arrêt du travail pour organiser la continuité pédagogique de mes trois de moins de 16 ans. 

La régate du Capitaine a été annulée in extremis le même jour (en plein cluster morbihanais, c'était gonflé). Samedi, notre première journée de confinement-test, il a été convenu que le Capitaine télétravaillerait : à quoi cela servirait-il d'être tous les 4 confinés si lui passait la journée à La Défense ? 

Pour cadrer ce temps à passer enfermés, pour lui donner une mesure (et ne pas trop en perdre), j'ai repris les emplois du temps de l'école, calqué la journée sur celle d'Asparagus (s'il y en a un qui doit être levé et connecté, autant qu'on le soit tous, et habillés pour passer dans le champ de la caméra de la visioconférence), groupé les heures de sport et d'arts plastiques. Reconstitué celui de Colombine en y ajoutant des heures de coloriage et de pâtisserie (aura-t-on assez d'oeufs ?).

Et rédigé une charte de confinement, qui ne contient pas que des droits et des devoirs, mais également quelques carottes, histoire que l'on se fasse aussi des souvenirs de ce drôle de printemps 2020. Parce que s'il est sûr qu'on sera enfermés pour l'anniversaire de Colombine, espérons être sortis de cette épidémie pour celui d'Asparagus et du Capitaine !