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La petite maison dans la banlieue

Huit jours dans une bulle

3 Avril 2013, 21:08pm

Publié par lapetitemaison

Neonat.JPG

Séjourner à la maternité, c'est toujours être dans une bulle, hors du temps, où la journée ne tourne qu'autour des soins du bébé, des biberons, des visites des sages-femmes, infirmières, des repas à heures fixes... Un cocon rassurant.
Ce que je n'avais pas prévu, c'est de jouer les prolongations huit jours durant. Si je compte mon petit séjour en salle de pré-travail, j'aurais passé dix jours dans les murs de la maternité.
Vendredi en fin d'après-midi, la responsable de mon étage vient m'annoncer que les résultats de prélèvements faits à la naissance montrent que Colombine aurait un taux suspect de strectocoque B sur la peau. Mais qu'on va lui faire une prise de sang histoire de vérifier si c'est passé dans le sang. Une prise de sang. Pour un bébé de même pas 36 heures. J'ai déjà dit mon amour des aiguilles et des seringues. Autant dire que des deux, c'est moi qui en menait le moins large. Une dose de glucose dans le bec et mon petit doigt à suçoter pendant le prélèvement, Colombine ne s'est même pas réveillée.
Le soir, je l'ai confiée à la nursery, j'étais encore fatiguée, et l'un des avantages de cette maternité, c'est que les bébés peuvent aller à la nursery la nuit (trois nuits, en fait, histoire de faire une nuit à deux avant le retour à la maison). Mais j'ai très mal dormi cette nuit-là.
Aussi, quand samedi à 6 heures, sont entrées dans ma chambre la sage-femme et l'infirmière de nuit, j'étais à peine étonnée de les voir, même si j'attendais plutôt le retour du berceau de Colombine.
C'est qu'elle avait été transférée en néonatalogie, m'annoncèrent-elles. Que je devais descendre au 2e étage pour rencontrer le pédiatre qui me donnerait toutes les informations. J'enfilais vaguement un gilet sur ma chemise de nuit, "vous devriez vous couvrir, ça risque de durer". Ah. Les résultats de la prise de sang ne sont pas bons. La pédiatre de garde me cueille donc au pied du lit. Colombine est déjà sur une table d'examen, entourée par une infirmière et une aide-soignante qui lui posent une perfusion. Il y a donc bien une infection qu'il va falloir soigner en lui administrant des antibiotiques. Qui n'existent que par voie intraveineuse pour les nouveaux-nés. D'où la pose d'un cathéter. Colombine ne bouge pas un cil durant la pose du cathéter – toujours la ruse du glucose et du doigt à sucer, mais les bébés sont quand même incroyables – et je reste auprès d'elle pendant la demi-heure où la dose de médicament passe (en pleurnichant, les hormones, les hormones, d'autant qu'il est beaucoup trop tôt pour essayer d'appeler le Capitaine. Quand j'essaierai à 8 heures, son portable sera éteint, et chose incroyable, PERSONNE n'entendra ni ne répondra au téléphone fixe, alors que Petit Brun et Petit Châtain sont toujours debout le samedi matin à cette heure-là). Il est question de nous transférer en néonatalogie le temps du traitement, qui peut varier entre 5 à 7 jours. Après une heure de tergiversation, c'est oui.
J'ai juste le temps de remonter prendre mon petit-déjeuner, faire les sacs, prévenir la responsable de l'étage de notre transfert, attraper un petit biberon et descendre le donner à Colombine. En cadeau de départ, j'hérite de magnifiques bas de contension pour combattre mes pieds œdémiqueux – ils sont rectangulaires, comme ceux des Playmobil, charmant.
Le Capitaine arrive avec Petit Brun et Petit Châtain (que je n'ai pas vu depuis mardi soir), les bras chargés de cadeaux : un énorme nounours blanc qui fait la taille de Colombine de la part de Petit Brun, et une jolie robe d'été en 18 mois rayée rouge et blanc de la part de Petit Châtain. Heureusement Colombine avait elle aussi apporté des "cadeaux" pour ses frères (deux albums de Caroline tiré du tiroir où je stocke d'éventuels cadeaux). C'est là que l'infirmière de jour nous informe qu'il n'est pas question que Colombine reste avec nous pendant les visites, elle doit être dans son box, et le Capitaine doit revêtir chausses bleues et tablier vert pour aller s'occuper d'elle dans le box ou dans la chambre. Petit Brun est assez grand pour apercevoir sa sœur à travers la glace, mais il faut porter Petit Châtain... A la visite suivante, je suis dans le box pour donner le biberon et on a ouvert les portes de la poubelle pour pouvoir parler avec Grand-maman.
A cause de la perfusion (que l'on a recouvert d'une chaussette, la demoiselle attaquant la tige du cathéter lorsqu'elle est affamée), j'ai besoin d'aide pour donner le bain, éviter que la perfusion ne se détache et que l'on doive la reposer. Idem lorsqu'il faut changer Colombine de pied en cap...
La nuit de samedi à dimanche, première toutes les deux est une grande fiesta, avec biberons toutes les deux heures, suivis de maux de ventre, de rots coincés... Mais Colombine est heureusement endormie pour la séance de médicaments de 6 heures. Je me demande si le lait est suffisamment nourrissant – Petit Brun, en son temps, était passé très vite à un lait épaissi, tant le lait donné d'office à tous les bébés au biberon ne le calait pas. La pédiatre préfère espacer davantage les biberons. Et Colombine hérite d'une tétine, histoire de pouvoir assouvir son besoin de succion, au grand dam de son père. Qui n'a pas passé une heure à se faire bouffer le petit doigt dans la matinée, lui. Le soir, il faut attendre la visite du docteur R, mon gynéco, qui passera nous voir tous les soirs jusqu'à son départ en vacances, pour enfin savoir quand nous sommes autorisées à rentrer à la maison. Et à connaître les résultats de la prise de sang du matin. J'ai beau avoir demandé deux fois, il faut reconnaître que c'est beaucoup plus efficace quand c'est lui qui demande... Les résultats sont bons, le traitement fait effet, et nous pourrons sortir jeudi matin, ouf.
Lundi, le traitement s'assouplit. Colombine cesse d'être un bébé USB, reliée par un cordon sortant du pyjama au scope qui mesurait ses constantes (et réduisait nos mouvements, il fallait la débrancher à chaque fois qu'on allait dans le box, puisque le scope était installé sur ma table de nuit). Je commence à m'ennuyer un peu, même si j'essaye de faire des siestes en même temps que la miss, d'autant que notre chambre est à l'entrée du service, avec le bruit des portes de l'ascenseur toute la nuit, les pleurs des autres bébés (j'ai l'impression qu'un chat et une mouette se baladent dans le couloir), les conversations, même mezzo voce... J'ai presque envie de m'incruster à la réunion de service, juste pour voir du monde. Car il faut être honnête : s'il n'y avait pas ce traitement par intraveineuse à faire, Colombine et moi n'avons rien à faire en néonatalogie. Par rapport à la naissance de Petit Châtain, à part mes pieds rectangulaires, je suis en pleine forme maintenant que mon hypertension est soignée.
Le soir, je me sens trop fatiguée pour garder Colombine avec moi. Petit coup de blues :  le Capitaine est parti tôt, les garçons ne veulent pas me parler au téléphone, trop occupés par les albums de coloriage, mais veulent parler à leur petite sœur, le docteur R se barre en vacances... J'ai l'impression d'être coincée dans cette chambre.
Je mets la miss dans le box et l'équipe de nuit se chargera des biberons. J'ai drôlement bien fait ; elle leur fera une java monstre, réclamera un biberon à 2 heures après en avoir pris un à minuit, et se sifflera carrément 120 ml – les petits biberons de la maternité en contiennent 90...
Mardi, le pédiatre qui réalise l'examen auditif n'est pas du tout affolé par la nuit de folie de Colombine. Si elle a faim, qu'elle mange, elle se régulera toute seule sur la journée. OK, bien reçu. Je reçois les compliments des infirmières parce que je remplis très scrupuleusement les feuilles de liaison (qui se résument, pour nous, sur la quarantaine de lignes de soins possibles, à remplir les cases des biberons, donnés par qui, à quelle heure, quelle quantité, s'il y a eu des selles et des urines ou pas. Et à noter la température et le poids du jour de la bête. Ainsi que la prise des vitamines. Fastoche). "Vous pourriez pas montrer aux autres mamans comment faire ?"
Devant la peau sèche de Colombine, on décide d'un commun accord de lui donner son bain un jour sur deux, comme pour ses frères, voilà qui simplifie l'organisation...
L'après-midi, lors de la visite quotidienne du Capitaine, nous organisons la sortie de jeudi, d'autant que le centre de loisirs est en grève ce jour-là : pas de cantine donc, ni de garderie du soir. Il est décidé que Grand-Maman viendra dormir chez nous mercredi soir et emmenèra les garçons à l'école le matin, et nous ferons en sorte d'être rentrés pour les récupérer à midi.
Mercredi, dernier jour dans ce havre de paix, où tout le monde, des infirmières aux aides-soignantes, en passant par les puéricultrices et les dames de ménage ont été si gentils avec nous. Dernières prises de médicaments à 6 heures et 18 heures, heureusement il n'y a plus la demi-heure de médicaments, ce ne sont plus que de simples seringues à vider. Un troisième pédiatre, jamais encore vu, débarque dans ma chambre à l'heure du déjeuner. Et commence à lancer un premier scud : j'avais osé ouvrir la turbulette de Colombine. Parce que je trouve qu'il fait une chaleur à crever dans cette chambre et que ladite turbulette est très épaisse. "Ce n'est pas un sac de couchage, elle risque de glisser au fond et de s'étouffer". Rappellons que le berceau est à 10 cm de mon lit et que je n'ai que ça à faire, pour le moment, de la regarder dormir... Bref, je reboutonne la turbulette. Et envoie un SMS à Laeti pour lui dire que j'étais tombée sur le pédiatre psychopathe.
Cinq minutes plus tard, dans le box, pour l'examen de Colombine, deuxième scud : j'ai osé laisser mon mobile allumé près du bébé. Ai-je pensé à toutes ces ondes près de son cerveau en construction ? (Personne, depuis neuf jours, ne m'a fait de réflexion parce que je téléphonais dans la chambre ou que j'envoyais des textos). Je n'ai pas la présence d'esprit de lui rétorquer que dans ce cas, autant interdire le portable aux femmes enceintes, ainsi que toute proximité d'une borne wifi pendant la grossesse. Par principe de précaution, hein.
Autant vous dire que quand le troisième scud est tombé parce qu'on a signalé les problèmes d'eczéma de Petit Brun et que du coup Colombine a un lait hypoallergénique, j'ai contenu mes larmes en expliquant le traitement homéopathique, le seul qui ait marché, sans produits laitiers, en remplaçant le calcium par des sels minéraux. "Mais alors, qu'est-ce qu'il prend à la place du lait ?" Ben du lait de riz. "Très mauvais ces laits végétaux, ça fait des polycarencés". Là j'ai rigolé intérieurement, car Petit Brun n'a pris de lait végétal qu'à partir de 3 ans et demi, et vu la vitesse à laquelle ses vêtements deviennent trop petits, une polycarence... moui, moui.
Finalement, Colombine est déclarée apte au service et l'odieux personnage s'en va. Il reviendra le lendemain pour me dire que, "la prochaine fois, comme la petite a eu un streptocoque B, vous le dites bien avant l'accouchement, qu'on vous fasse une perfusion de médicament". Préventivement. OK...

Jeudi matin, après une dernière prise de sang pour vraiment être sûrs de sûrs que tout va bien, nous sommes prêtes à rentrer. Les sacs sont bouclés, il nous faut juste attendre le résultat des analyses. Le Capitaine a le temps d'arriver, de passer régler les papiers à l'administration, de commencer à mettre les sacs dans la voiture, Colombine prend un biberon pour la route... Les résultats tombent à 9 h 45 : tout est OK, la pédiatre, la même que samedi à 6 heures, complète le carnet de santé, nous faisons nos adieux, et à 10 heures, nous sommes enfin dehors. Tout le monde me dit qu'il fait froid depuis une semaine, mais dans un rayon de soleil et enfin sortie de la fournaise de la maternité, je trouve qu'il fait drôlement bon...

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