Alors on danse

Tous les soirs, c'est le même rituel. Parfois notre seule sortie hors de notre logis, quand le temps est trop froid (ou que la fatigue me le fait ressentir puissance 1 000). Je ne sais même plus quel soir nous avons commencé, en tous cas, il y a deux semaines, dix jours peut-être. Il faisait encore nuit à 20 h, c'est dire. Nous étions trois maisons au départ à applaudir dans le noir. Et puis on a entendu d'autres applaudissements venus de plus loin, mais difficile à localiser précisément. 

Un soir, E., le fils des voisins, a mis de la musique, des spots depuis la fenêtre de sa chambre. Depuis, c'est notre défoulement collectif. On applaudit (en priant très fort pour que le nombre de malades cesse d'augmentrer), et puis on danse. Il faut que cela soit dansant, que tout le monde connaisse les paroles. Le samedi, c'est double dose : deux chansons. On peut même demander au DJ sa chanson préférée.

On se fait de grands coucous d'un jardin à l'autre, nous perchés sur les marches de notre perron, H. depuis sa terrasse, J. et Colombine se font des signes (et s'écrivent des lettres depuis peu), pas facile de comprendre qu'ils ne peuvent pas jouer ensemble alors qu'ils sont si près.

"On dîne, je lis un petit livre, puis on va applaudir, je me lave les dents et je me couche". C'est la nouvelle routine de ce temps incertain, que le changement d'heure n'a pas modifiée. On entend paraît-il notre musique, nos cris et nos applaudissements de loin. Nous sommes la seule rue à le faire aussi bruyamment aux alentours. Petite rue, mais solidaire et sonore.